Journal de bord · 29 août 2022

Moi, Florie M., Porte-Parole du Parti Pirate, ex permanente politique…

Cela fait un peu plus d’un an maintenant que je tiens ce blog et que j’y publie mes idées et je me rends compte que chaque publication fait l’objet de plus ou moins de réactions, d’accusations ou de critiques et surtout de jugements ou de fantasmes sur ma personne, mes intentions ou ma volonté. Je vais m’employer aujourd’hui à vous livrer ma version de mon histoire personnelle.

Cet article est donc très personnel, pour cela je vais utiliser souvent les pronoms « moi » et « je », ne vous en déplaise, c’est le principe de l’autobiographie.

Engagée depuis toute petite… 

Je suis née le 20 octobre 1987 à Falaise, dans le Calvados. J’ai vécu dans 25 endroits différents, donc ce serait assez long de vous décrire les différentes villes et régions où j’ai grandi et travaillé, tout ce que je peux vous dire c’est que je n’ai pas grandi à Paris, ni dans une grande ville (ou alors très peu de temps) et je suis arrivée en région parisienne après mes 20 ans pour travailler, mais j’en ai largement assez parlé sur Twitter en décembre dernier.

Pendant toute ma scolarité, depuis l’âge de 8 ans et jusqu’à la fin de ma deuxième deuxième année de DUT (j’ai foiré le stage de la fin de ma première deuxième année donc j’ai dû refaire une deuxième année), je me suis engagée à plusieurs niveau. À 8 ans j’ai été élue Conseillère municipal des jeunes à Falaise. J’ai été élue déléguée de classe quasiment tous les ans entre la 6ème et la 3ème. En 4ème, j’ai été élue déléguée des élèves au Conseil d’administration de mon collège à Caen. En 2nde, j’ai été élue Conseillère de la Vie Lycéenne à La Souterraine. À l’IUT de Limoges, j’ai été élue membre du Conseil d’IUT. Et à chaque fois que je me présentais, je le faisais en défendant toujours la même idée de ce que devait être un élu, soit la personne qui s’exprimait pour porter la parole de ses camarades, les défendre et porter leurs revendications à l’attention des enseignants ou de l’administration, mais pas le « chef » ni le « président de classe », jamais. Quand je m’engageais, je le faisais parce que j’étais douée pour parler en public, parce que je savais quoi dire et comment et que j’avais assez de cran pour tenir tête aux adultes quand c’était nécessaire. J’ai milité pendant quasiment toute ma scolarité, mais je n’ai jamais milité dans un syndicat ni dans un parti politique parce que j’estimais qu’ils étaient tous pourris et qu’ils avaient dévoyé le principe même de la représentativité, soit le fait de représenter et non de diriger, et je m’étais mis en tête que le seul moyen de changer ce système c’était d’y entrer pour le renverser de l’intérieur, restait à savoir comment y entrer. À la fin de ma scolarité, alors que je cherchais un travail, j’étais un peu dépourvue par l’absence d’engagement militant… C’est à ce moment que j’ai choisi de m’engager en politique. Mais je ne voulais pas m’engager n’importe où, je voulais que cet engagement ait du sens par rapport à mes idées et surtout je voulais m’engager dans un mouvement démocratique tant dans le programme politique porté que dans le système organisationnel interne. C’est la campagne des européennes de 2009 qui m’a fait me rapprocher des Verts. Voir ces personnes aux horizons si différents se retrouver sur une seule et même liste, militer ensemble, se rassembler dans un mouvement qu’ils qualifiaient de démocratique, ça m’avait séduite.

Embauchée par les Verts à la sortie de la fac…

J’ai d’abord rejoint le mouvement de jeunesse de l’écologie politique, qui s’appelait alors Les Jeunes Verts, en janvier 2010, puis j’ai été recrutée par EELV quelques mois plus tard, en octobre 2010, un peu par hasard. Je n’ai adhéré au parti EELV que courant 2011, au moment où les Verts avaient fusionné avec Europe Écologie. Pour obtenir ce job, j’avais simplement répondu à une offre de stage d’un an qui circulait dans le réseau en précisant bien que je n’étais pas éligible à un stage mais que je pouvais être embauchée en emploi aidé. J’ai appris après mon embauche qu’il n’y avait pas de budget pour un recrutement donc que mon arrivée n’était pas vraiment acceptée par tout le monde, mon accueil fut relativement froid. Au début, j’ai donc commencé en contrat aidé, à « temps partiel », embauchée par une association proche du parti. J’ai commencé au service élections, j’organisais les réunions de la commission permanente électorale, j’assistais à certaines réunions avec les partenaires politiques (le PS par exemple) et je préparais les négociations pour le chargé des élections du bureau exécutif. J’ai travaillé pour Jean-Marc Brûlé d’abord, c’est lui qui m’a recrutée, puis j’ai travaillé pour David Cormand qui lui a succédé au poste pendant un bon moment et sur la fin, j’ai travaillé quelques mois pour Bruno Bernard. Contrairement à toutes les rumeurs qui ont circulé à mon sujet depuis mon embauche, je n’ai couché avec personne dans le but d’obtenir ce job, ni avant d’être embauchée, ni une fois embauchée, ni après avoir quitté ce travail. Eh oui, surprise ! J’ai obtenu ce travail parce que j’étais compétente, j’avais les connaissances requises pour le poste grace à un DUT de Gestion des Entreprises et des Administrations pendant lequel j’ai notamment appris à manipuler les statistiques et les outils de bureautique (Word et surtout Excel), j’avais donc les bases idéales pour faire des tableurs de statistiques électorales et mettre en page des comptes-rendus de réunion et j’ai très vite appris tout ce qui me manquait pour être pleinement efficace sur mon poste, et même sur d’autres postes que le mien, si bien que le « temps partiel » n’a jamais été partiel que sur le papier. Je n’avais cependant pas fait d’études en Sciences Politiques, ni à l’ENA, ni en droit, et c’est sans doute ce qui a ouvert un gouffre persistant avec mes collègues permanents politiques ou collaborateurs d’élus du même âge que moi. Eux pensaient que je ne pouvais pas comprendre et moi je n’étais pas vraiment à l’aise avec eux parce qu’ils me prenaient souvent de haut, j’apprenais sur le tas, dans mon coin, ce qu’ils savaient déjà pour me mettre à leur niveau mais ça n’a jamais suffit à ce qu’ils me considèrent comme leur égale, même des années après.

À mon arrivée en poste, on m’avait conseillé de me positionner sur plusieurs sujets pour montrer que j’étais motivée et espérer, un jour peut-être, passer en CDI, alors j’ai proposé mon aide pour l’organisation des conseils fédéraux (le conseil d’administration du parti, tous les trois ou quatre mois), du congrès (l’Assemblée générale du parti, tous les deux ou trois ans) et des réunions des différentes instances. Je ne comptais pas mes heures au début mais, en voyant que plus je donnais, plus on me demandait du temps, sans pour autant que ma situation contractuelle n’évolue, j’ai rapidement commencé à les noter. Et puis un jour, à l’été 2011, soit huit mois après le début de mon contrat, la direction m’a finalement proposé de changer de situation et de passer en CDI. À ce moment là, je travaillais 40h par semaine alors que j’étais censée n’en faire que 20, et la moitié de mes 300 heures supplémentaires m’ont été sucrées sans que je ne puisse rien dire lorsque j’ai signé mon nouveau contrat au motif que « attends Florie, on te propose un CDI là, tu ne vas pas faire chier avec quelques heures supp ». En fait, je crois que mon employeur pensait que je ne les avais jamais faites, pourtant je les avais bien faites, ces heures supplémentaires, et je ne les avais même pas toutes comptées, j’avais arrondi à 300 mais j’en avais fait tellement plus…

Pour faire mon job le mieux possible, en plus d’apprendre le code électoral, sa jurisprudence et d’étudier les sociologies locales à tous les échelons électoraux, j’ai appris les statuts de ce parti presque par cœur, j’en connaissais chacune des failles et tous les travers, je connaissais aussi quasiment tous les statuts des organisations politiques régionales qui avaient chacune leur propre fonctionnement, je savais ce qui fonctionnait bien, ce qui ne fonctionnait pas, et j’étais souvent contactée par les membres pour répondre à des questions juridiques soit sur le code électoral, soit sur l’organisation de leur parti, de leurs instances ou des votes internes. C’est d’ailleurs souvent moi, sur la fin de mon contrat, qu’on sollicitait pour superviser les votes que le parti pouvait être amené à organiser, quand ces votes n’étaient pas supervisés par un homme misogyne surpayé qui s’asseyait carrément sur mes connaissances des règles internes (et qui s’asseyait aussi complètement sur les règles internes quand elles ne l’arrangeaient pas). Par ailleurs, comme je savais écrire, il m’arrivait parfois de rédiger des communiqués ou de préparer des dossiers de presse lorsque l’attachée de presse était absente, et quand je ne savais pas quoi faire de mon temps, une fois que j’avais fini le travail qu’on me demandait, je proposais mon aide sur la comptabilité ou aux standardistes que j’ai souvent remplacés, j’ai même fini par prendre en charge la gestion de la boite mail générique du parti qui avait été laissée à l’abandon pendant des mois. C’est aussi vers moi qu’on venait quand on avait du mal à faire fonctionner l’imprimante ou quand il fallait dépanner un ordinateur… En gros, j’étais rapidement devenue très utile pour tout le monde, je rendais service à tout le monde, j’étais toujours disposée à aider et ça me faisait toujours plaisir de rendre service, et ça c’est un trait de caractère qui a, malgré tout, survécu à cette période.

Quand Cécile Duflot a été nommée ministre, Pascal Durand est devenu secrétaire national par intérim, il m’a proposé de devenir son assistante et de prendre en charge le suivi des relations avec les régions en plus de mon job sur les élections. Vu que je connaissais bien les statuts, j’ai géré toute la partie statutaire du congrès extraordinaire de Caen en 2013. Il faut savoir qu’en période de congrès, les salariés sont complètement livrés à eux-mêmes, la direction précédente est souvent démissionnaire, et quand elle n’est pas démissionnaire elle est en pleine campagne pour assurer sa réélection donc prête à dire oui à tout du moment que ça peut l’aider à gagner, et la direction suivante n’ayant pas encore été choisie, ce sont les salariés qui se démènent pour organiser tous les aspects d’un congrès. Et chez EELV, un congrès c’est des mois de préparation en amont pour s’assurer que chacune des règles statutaires et réglementaires soient respectées, même celles qui n’existent pas. En 2013, Emmanuelle Cosse a succédé à Pascal Durand au poste de secrétaire nationale, et comme je n’étais pas vraiment proche d’elle j’ai dû laisser ma place d’assistante de direction, je suis toutefois restée chargée des élections et des relations avec les régions.

Le début de la fin

Début 2014, alors que je participais à une campagne municipale à Pantin sur une liste menée par une personne membre de ce parti, je décidais de ne plus adhérer, dégoutée par l’attitude de la tête de liste, dégoutée de découvrir que ce qu’on m’avait raconté sur la gestion de certains groupes locaux des Verts s’avérait être la vérité, que des petits barons locaux tenaient ce parti partout, et que les militants n’avaient finalement aucun pouvoir et, apparemment, cela semblait convenir à tout le monde puisque tout le monde laissait faire.

En parallèle, la même année, EELV proposait à ses salariés un plan de formation professionnelle, je décidais de saisir l’occasion pour entrer, en septembre 2014, en licence professionnelle de management associatif avec une spécialité Économie Sociale et Solidaire (ESS). Mon objectif : Compléter mon cursus scolaire que j’avais arrêté au DUT de Gestion des Entreprises et des Administrations en 2010 (Bac+2) pour l’amener au Bac+3 et ainsi acquérir des connaissances pour compléter ma formation en management des organisations, avec une spécialisation dans le domaine associatif, domaine dans lequel j’évoluais alors et qui m’intéressait beaucoup. En juin 2015, je terminais ma formation avec la perspective et l’ambition de pouvoir contribuer à l’organisation du siège national d’EELV, notamment par la transformation des statuts et une meilleure prise en compte de l’expertise des salariés dans les différents projets menés, il n’en fut rien.

Alors que je suivais cette formation au cours de laquelle j’apprenais les bases du fonctionnement horizontal des structures de l’ESS, le parti qui m’employait voyait la plupart de ses cadres le quitter, un à un. Les personnes qui m’avaient embauchée puis formée à développer des stratégies et à mener des campagnes électorales partaient les unes après les autres, me laissant seule avec mon nouveau diplôme, mes nouvelles compétences, mes collègues, pour la plupart incompétents mais qui avaient pourtant quasiment tous décliné la proposition de formation professionnelle formulée par notre employeur commun, et cette direction, elle aussi parfaitement incompétente, qui partait en vrille.

J’avais d’abord été écartée de la campagne des européennes en 2014 par le directeur de campagne, et ce alors que la tête de liste était mon ancien patron, alors que je pensais avoir sa confiance. Ensuite j’ai été écartée de la campagne des régionales de 2015 par le même homme, une crapule misogyne qui avait déjà été mis en cause pour son comportement par plusieurs femmes avant moi et qui voyait dorénavant en moi, celle qu’il avait formée depuis son arrivée, une rivale capable de le pousser doucement vers la sortie à cause de ses propres méfaits et malgré tous les cadavres qu’il planquait dans son placard.

Puis il y a eu l’affaire Baupin. Mais c’était la partie visible de l’iceberg. Il y avait, et il y a encore aujourd’hui sans le moindre doute, j’en ai encore été témoin récemment, un monde sexiste qui évolue librement au sein de ce parti, comme dans tous les partis, sans que personne ne réagisse. J’avais lancé plusieurs alertes en interne, auprès de ma direction, sur le harcèlement moral, sexiste et sexuel dont nous étions toutes victimes, toutes et aussi parfois, tous. On m’a ri au nez, on m’a dit que si j’étais emmerdée par des hommes, c’était à cause de moi, parce que j’étais une femme, parce que j’étais jeune et jolie, parce que j’avais trop de caractère, on m’a dit que je ne pouvais pas être jolie et intelligente, que c’était incompatible, on m’a dit que je devais arrêter de porter des vêtements trop sexy, trop décolletés, trop courts, pour ne pas attirer les regards, que si je me faisais agresser c’était entièrement ma faute, et puis on m’a dit aussi que je devrais arrêter de me plaindre que des hommes se comportent mal avec des femmes dans ce parti parce que, selon une femme qui était très haut placée dans ce parti, ces comportements étaient excusables, voire qu’il n’y avait pas besoin de les excuser puisque c’était normal. Un homme qui se comporte ainsi avec les femmes c’était tout à fait commun, et selon eux, selon elles aussi et surtout, c’était là le plus marquant et le plus écœurant, il fallait que je me fasse à l’idée que ce serait comme ça toute ma vie, enfin jusqu’à ce que je flétrisse évidemment, et que je n’intéresse plus personne… On sait bien que beaucoup d’hommes sont des connards dans le monde politique, et plus largement dans le monde tout court, mais là, plutôt que de le dénoncer dans un parti qui semblait prôner l’égalité entre les genres, un parti qui semblait ouvert aux plaintes et qui prônait les rappels à l’ordre, un parti qui semblait dénoncer politiquement ces comportements, et alors que j’étais salariée, autrement dit sous la responsabilité et même sous la coupe de mon employeur, il fallait que j’apprenne à vivre avec, il fallait que j’accepte, que je ferme les yeux et que je continue de courber l’échine. Quand l’affaire Baupin est sortie, j’étais déjà dans un placard, j’ai entendu celles et ceux qui m’avaient dit que je disais des conneries quand je leur avais parlé des problèmes de sexisme et de harcèlement quatre années plus tôt clamer qu' »on n’en savait rien », que « personne ne savait ». J’ai entendu des hommes et des femmes nier toute connaissance de la situation difficile des femmes dans leur parti alors que je leur avais mis le nez dedans à plusieurs reprises. Et j’étais loin d’être la seule à l’avoir fait.

C’est peut-être parce que je parlais trop, peut-être parce que j’en savais trop, peut-être parce que je leur faisais peur que j’avais été mise au placard, mais ce qui est sûr c’est que ce n’était pas à cause de mes grandes et belles idées d’organisation horizontale que je rêvais de déployer un jour dans ce parti politique. Dès le moment où j’ai fait part de mes proposition de fonctionnement horizontal, inspirées de ce que je savais de l’économie sociale et solidaire, à certains spécialistes des statuts d’EELV, ils m’ont ri au nez (encore), se moquant ouvertement de mes propositions, me disant que ça n’avait aucun sens de donner à tous les membres d’un parti politique une voix au chapitre, de leur permettre de participer à la prise de décision au même titre et avec le même pouvoir que les cadres, de manière horizontale, avec l’aide d’outils numériques parfaitement calibrés pour l’occasion. On m’a dit que j’étais folle (sic), que j’étais naïve, que j’étais stupide, que jamais une organisation politique ne pourrait fonctionner si, du jour au lendemain, on permettait à tout le monde de participer à la prise de décision, qu’il faut savoir raison garder et que ces idées de fonctionnement partisan horizontal, sans chef, sans cadre ni base militante, où tout le monde aurait le même poids et la même voix, ces idées là n’avaient aucun avenir.

La mise au placard et ces réponses négatives et méprisantes qu’on me donnait à chaque fois que je faisais une proposition m’avaient rendue acerbe, hargneuse et acariâtre. Je ne me reconnaissais plus. J’étais déprimée, fataliste, passive… Je n’osais même plus rien proposer, mes remarques étaient désobligeantes, je critiquais tout, rien n’allait et j’ai fini par me persuader que quoi que je dise rien ne changerait. Au bout d’un moment, j’étais même devenue agressive. J’ai fini par péter un câble pour de bon quand une goutte d’eau a fait déborder le vase de ma patience et que j’ai hurlé sur l’un des membres de ma direction. Le jour même, mon médecin m’a mise en arrêt de travail pour trois mois.

C’était en 2016.

C’est drôle, parce que maintenant que j’y repense, ces gens qui m’ont dit que mes idées d’organisation horizontale n’avaient aucun avenir tenaient peu ou prou le même discours que les gens qui m’avaient assuré qu’il fallait faire avec les violences sexistes en politique.

Aujourd’hui j’ai envie de leur répondre tout simplement « ok boomers ».

Je suis revenue quelques mois travailler, notamment pour organiser un congrès, pensant que j’y arriverai malgré mon manque de motivation évident. Je n’ai pas tenu. Le vase de ma patience n’était pas vidé, il s’est vite rempli à nouveau. Au bout d’un moment, le congrès passé, à force d’être méprisée par la direction nouvellement élue, agressée par des militants que personne ne semblait vouloir recadrer, à bout de nerfs, fatiguée, et alors que je voyais la porte du placard dont j’étais temporairement sortie se refermer doucement sur moi, j’ai lâché l’affaire.

La fin d’un calvaire et le début d’une nouvelle aventure

En janvier 2017, je quittais ce travail. Après avoir balancé à mon nouveau référent politique ce que je pensais de son absence totale de considération pour les heures de travail que j’avais fournies pour faire un travail qu’il avait finalement choisi de bâcler tout seul dans son coin (et franchement, avec tout le recul que j’ai aujourd’hui, je peux vous affirmer que ce qu’il avait fait était vraiment à chier), je demandais une rupture conventionnelle du contrat à durée indéterminée qui me liait depuis un peu moins de 7 ans au siège national d’Europe Ecologie-Les Verts. Je quittais ce travail sans aucune perspective professionnelle à la clé, j’avais juste besoin de partir, envie de prendre le large, et ras-le-bol de brasser du vent dans un parti politique auquel j’avais tout donné sans rien attendre en retour mais qui ne m’avait rien donné d’autre que du mépris et un joli petit placard dans lequel j’avais été enfermée pendant deux longues années et dans lequel je savais que je risquais à nouveau de me retrouver si je restais.

Le 5 avril 2017, j’étais au chômage depuis deux mois et sans aucune perspective professionnelle mais avec des tas d’idées dans la tête et terriblement motivée à en découdre avec ceux qui ne croyaient pas qu’on pouvait faire de la politique vraiment autrement.

Yannick Jadot, qui était en 2017 le candidat pour lequel j’envisageais de voter à la présidentielle, s’était désisté au profit de Benoit Hamon pour qui j’allais voter sans grande conviction.  Aux législatives, je n’avais pas la moindre envie de voter pour la candidate EELV de ma circonscription, d’autant moins que c’était la même personne qui avait mené la campagne des municipales à laquelle j’avais participé et qui m’avait poussée vers la sortie de son parti en 2014.

Après avoir passé près de 7 ans à travailler pour EELV, je m’ennuyais ferme au chômage tout d’un coup, sans parti politique, sans cause à défendre, sans projet politique ou partisan à mener. Mon réseau entier avait été construit autour de la politique, toutes les personnes que je connaissais étaient en train de mener leur campagne et moi, alors que j’ai appris à mener des campagnes, alors que j’ai fait ça pendant des années, j’allais attendre et observer tout ça sans rien faire depuis mon salon ? Et alors que je voyais deux camps dont j’étais très éloignée politiquement prendre d’assaut ces élections, est-ce que j’allais voter blanc au premier tour des législatives ?

C’est là que je suis tombée sur un tweet du Parti Pirate, que je suivais depuis plusieurs années, qui cherchait des candidatures pour participer aux législatives.

Le 5 avril 2017, après deux minutes de réflexion profonde, j’adhérais au Parti Pirate.

La semaine qui suivait, je déposais ma candidature pour les législatives à Pantin-Aubervilliers auprès du Parti Pirate, candidature qui fut acceptée quasiment aussitôt par les membres du parti.

En mai et juin 2017, avec deux amis, je menais ma petite campagne aux législatives avec l’objectif d’atteindre 1% dans ma circonscription. Si 50 candidatures Pirates obtenaient 1% des voix dans leur circonscription, alors notre parti politique obtiendrait le financement public, c’est le cas de plusieurs partis politiques aujourd’hui, cela leur permet d’exister, de financer un grand nombre de dépenses quotidiennes que nous financions au Parti Pirate exclusivement grâce aux dons de nos soutiens. Le financement public est une somme d’argent plutôt conséquente issue d’une enveloppe que plusieurs partis se partagent. Elle est calculée en fonction du nombre de voix obtenues dès lors qu’aux législatives, seule élection concernée par ce système, 50 candidatures d’un même parti obtiennent plus de 1% des voix exprimées. Cette somme est alors reversée tous les ans pendant les cinq années que dure la mandature d’un député, et ce même si le parti en question n’a aucun député. Cette manne financière atteinte, le Parti Pirate serait à l’abri du besoin pour cinq ans et pourrait alors concentrer ses efforts sur la promotion de ses idées, sur la création de documents informatifs et éducatifs plutôt que sur la recherche de fonds pour financer ses rares campagnes électorales. Alors pour aider mon nouveau parti à mon humble niveau à obtenir 1% des voix dans autant d’endroits que possible, je partageais avec les Pirates mes documents de campagne et tout ce que je savais sur les élections, comment faire campagne, comment gérer les documents officiels, comment organiser des rencontres… Toutes mes connaissances aquises chez EELV sur les élections et la manière de mener une campagne électorale, c’était de l’or pour eux qui ne connaissaient que très partiellement le code électoral. De mon côté, j’ai atteint l’objectif de 1% des voix, mais ce ne fut pas forcément le cas pour toutes les autres circonscriptions dans lesquelles nous aurions dû y parvenir. Nous n’étions pas prêts, pas suffisamment bien organisés, on ne mène pas une telle campagne avec un tel objectif en si peu de temps. Notre parti n’a donc pas obtenu le financement public en 2017.

Qu’à cela ne tienne, en 2022 nous serions prêts et d’ici là, je l’avais bien compris, on avait du travail.

Réformer pour fonder un nouveau Parti Pirate

En juillet 2017, nous avons lancé une réforme statutaire au sein du Parti Pirate.

Cela ne s’est pas fait dans la douceur, il y a eu des échanges parfois houleux, des débats parfois tendus, certains membres refusaient catégoriquement de changer de modèle, attachés au travail qu’ils avaient déjà fait sur l’organisation existante, considérant qu’elle était suffisante, ou considérant que changer le modèle ne changerait pas les gens ni les problèmes rencontrés en interne. Ils n’avaient pas tout à fait tort, mais ils n’avaient pas non plus complètement raison. Je n’étais membre du Parti Pirate que depuis quatre mois quand nous avons commencé ces travaux mais j’avais hâte de participer, de proposer mes idées aux autres, de lire les idées des autres, et j’avais réussi à remotiver certains membres parmi les plus actifs pour aller dans le sens que je croyais être le bon. Je dois bien avouer que si j’étais complètement séduite par les idées portée par le Parti Pirate, j’ai éprouvé une profonde déception en découvrant le contenu des statuts existants, je me disais que j’étais encore une fois arrivée dans une organisation qui n’avait pas grand chose de démocratique, mais j’ai été assez rapidement rassurée par les membres qui la composaient quand j’ai découvert qu’une réforme statutaire était prévue et que j’étais bien entendu invitée à y proposer mes idées.

En septembre 2017, je me présentais pour devenir coordinatrice de la section Île-de-France du Parti Pirate avec un seul objectif : Détruire la coordination nationale dont je serai alors membre une fois élue. La coordination nationale rassemblait les coordinateurs des différentes sections locales encore debout, mais il n’y avait plus beaucoup de ces sections actives lorsque j’ai été élue, la plupart avait déserté la coordination nationale laissant des membres isolés sans représentation. Le Parti Pirate était en train de subir le contre coup de sa défaite aux législatives et avec elle une fuite des adhérents qui ne fut colmatée qu’en septembre 2018. J’ai été élue coordinatrice de la section Île-de-France en septembre 2017. Et en mars 2018, après plusieurs mois de travail acharné avec celui qui était (et qui est encore aujourd’hui à mes yeux) LE juriste du Parti Pirate, nous proposions au vote de l’Assemblée générale du Parti Pirate une nouvelle version de statuts proposant une organisation horizontale, la suppression de tout rôle de présidence ou de direction nationale, la suppression de la distinction national/local, une organisation non hiérarchique dans laquelle, dès l’adhésion, n’importe quel membre aurait autant de poids que n’importe quel autre membre, quel que soit son origine ou son niveau d’engagement, une organisation sur laquelle je travaillais toute seule dans mon coin depuis la fin de mon année de licence profesionnelle, en 2015, qu’EELV avait catégoriquement refusé de prendre en considération dans ses réflexions statutaires, mais qui a enfin pris concrètement forme. Nous avions choisi de déployer un système en Assemblée permanente, aussi, si nous adoptions ces nouveaux statuts, notre Assemblée générale de mars 2018 serait la dernière, et après cela chaque membre de notre parti politique serait libre de proposer aux autres membres, tous les mois, sous réserve d’avoir le soutien de deux autres membres, une proposition de point de programme, de stratégie ou n’importe quelle décision qui, si elle était prise, engagerait toute notre organisation, avec un système de démocratie délégative, ce qui signifie que chaque membre peut voter ou déléguer ses voix à une ou plusieurs personnes sur une ou plusieurs thématiques, et à tout moment choisir de reprendre ses voix pour voter en son nom. Il n’y aurait donc plus aucun représentant, plus personne qui prendrait arbitrairement des décisions pour tous les autres, toutes les décisions seraient prises par tout le monde, ou par des gens à qui on aurait décidé de déléguer notre voix aussi longtemps qu’on le souhaiterait, avec une fluidité réelle, sans aucun mandat.

En mars 2018, ce nouveau fonctionnement a été très largement adopté lors de ce qui fut alors notre toute dernière Assemblée générale. Et une fois nos nouveaux statuts adoptés, j’ai été élue au jugement majoritaire, avec d’autres membres parmi les plus actifs, au Conseil transitoire pour assurer la transition entre notre ancienne organisation et la nouvelle jusqu’en septembre 2018, lorsque je me suis présentée pour rejoindre l’un des cinq nouveaux Conseils chargés d’exécuter toutes les décisions voulues par les membres. Toutes les personnes élues au Parti Pirate le sont par un jugement majoritaire, et le rôle de ces personnes n’est pas de représenter les autres mais bien d’exécuter les décisions, et de conseillers ou orienter les membres lorsqu’ils ont des interrogations. C’est ainsi que je suis devenue membre du Conseil des Relations Publiques et Porte-Parole nationale du Parti Pirate français pour une première année, puis réélue en 2019 pour deux ans, et réélue en 2021 pour deux ans de plus.

Retrouver un travail

À l’été 2018, une fois les travaux statutaires terminés, alors que j’avais eu deux expériences professionnelles non concluantes en tant que, d’une part conseillère Pôle emploi (deux semaines terriblement longues et fastidieuses), et d’autre part responsable administrative et financière d’une SCIC dirigée par un ancien militant des Verts technophobe assumé (3 mois au bout desquels eux comme moi n’avaient aucune envie de poursuivre), je rejoignais, sur la demande d’un collègue militant de longue date anciennement membre, comme je l’ai été, des Jeunes Verts, le cabinet de Danielle Dambach, maire de Schiltigheim nouvellement élue suite à une élection municipale partielle lors de laquelle son opposition s’est politiquement entretuée. J’étais très heureuse d’entamer une nouvelle aventure dans une nouvelle ville, donc après une semaine de réflexion à peser les pour et les contre (il était quand même question de déménager -donc de quitter un appartement superbement bien situé avec un loyer tout à fait raisonnable pour la banlieue dans laquelle je m’étais installée- pour un CDD avec une précarité énorme), j’ai décidé de quitter Pantin pour Strasbourg où j’ai posé mes valises avec l’envie de rester aussi longtemps que possible. J’étais fière qu’on me donne enfin ma chance dans un travail de cheffe de cabinet au service d’une élue écologiste, d’une majorité plurielle (PS/PC/EELV), menée principalement par des femmes brillantes, et ce malgré mon engagement dans un parti qui n’y était pas représenté, j’étais heureuse qu’on me fasse enfin confiance pour occuper un poste à responsabilités, c’était quelque chose qui ne m’était plus arrivé depuis des années. Et là encore, contrairement aux rumeurs dont j’ai eu connaissance à mon sujet au cours de ce contrat, je n’ai couché avec personne pour obtenir ce travail, je l’ai obtenu parce que j’avais une réputation de rigueur et de sérieux qui me précédait et qu’on a estimait encore une fois que j’étais suffisamment compétente pour le poste.

Cela n’a pas été toujours facile à Schiltigheim, mais je crois que le plus difficile était cette ambiance misogyne moribonde entretenue notamment par un de mes élus de référence qui n’a eu de cesse de me mettre en concurrence avec toutes les autres femmes de la mairie, de sous-entendre que j’en étais jalouse dès que l’occasion se présentait, de me couper la parole lorsque je répondais à ses questions… Lorsque j’ai fait part de la situation à la maire, elle m’a répondu qu’elle ne pouvait se séparer d’un élu (alors que je lui demandais simplement de le recadrer) mais qu’elle pouvait se séparer de moi plus facilement. J’entendais aussi très souvent des bruits de couloir disant que certaines élues bavaient dans mon dos pour m’évincer, notamment en prétextant que je ne pouvais pas être une bonne cheffe de cabinet si je n’étais pas de leur parti politique, que je ne pouvais pas bien faire mon travail tout en menant des campagnes politiques pour un autre parti, que mon appartenance au Parti Pirate posait problème… Encore une fois, des femmes qui j’admirais me tiraient dans le dos. La sororité affichée par certaines d’entre elles semblait avoir des limites. En parrallèle, je nouais une relation professionnelle de confiance avec des salariées particulièrement compétentes mais largement sous-estimées par leurs collègues masculins, ainsi qu’avec quelques uns des plus anciens élus. Au fil des mois, je parvenais tant bien que mal à trouver un équilibre professionnel dans cette ambiance qui m’était étrangement familière.

Et je suis repartie en campagne…

En mai 2019, j’ai été désignée tête de liste pour le Parti Pirate aux élections européennes, j’ai pris des congés pour mener la campagne loin de la mairie, pour ne pas impacter mon travail. Depuis mon arrivée en poste, je n’avais pris aucun congés, soit pendant 10 mois, car je savais bien que je devrais partir quelques semaines pour participer à cette campagne, j’ignorais cependant que je devrais la mener. À mon retour de congés, le lendemain de la fin de la campagne (trop tôt, j’aurais dû prendre quelques jours de plus, j’en suis consciente aujourd’hui), j’étais exténuée à tel point qu’à la fin de mes journées de travail je m’effondrais en larmes à peine rentrée chez moi. Oui, la fatigue me fait pleurer. Mais, un soir de cette première semaine de travail post-campagne, je n’ai pas réussi à retenir mes larmes lorsque j’ai demandé à ma patronne de me laisser rentrer chez moi alors qu’elle voulait que je reste pour un diner de travail, j’étais bien trop épuisée…

À l’été 2019, alors que je subissais de plus en plus mon rôle dans cette sale ambiance et que je supportais de moins en moins les comportements misogynes de ces gens qui ne se rendaient même plus compte du poids de leurs actes sur mon moral, la maire m’a annoncé qu’elle préférait se passer de mes services. Je découvrais quelques jours plus tard que, avant même qu’on m’annonce qu’on se séparait de moi, j’avais déjà été remplacée par… un homme.

Quelques mois plus tard, on m’a proposé de mener une campagne municipale pour un écologiste dans une ville ingagnable. Sur les conseils de quelques amis, alors que j’étais plutôt réticente, j’ai accepté le challenge. Je ne m’étendrais pas trop sur ce qui fut pour moi la plus lamentable expérience professionnelle de toutes les expériences professionnelles que j’ai vécues jusqu’à présent, et pourtant le niveau de nullité avait été mis très haut par mes expériences précédentes. Si la maire de Schiltigheim avait, semble-t-il, perdu le peu de confiance en moi qu’elle ait pas avoir un jour (mais je ne crois pas vraiment qu’elle en ait eu, et comment pourrais-je le lui reprocher, elle ne me connaissait pas quand je suis arrivée et n’a jamais vraiment eu le temps d’apprendre à me connaitre pendant l’année que j’ai passée à son service), ce candidat écologiste a quant à lui jamais eu ne serait-ce qu’une once de confiance en moi, du début de notre collaboration jusqu’à la fin, laborieuse, de sa campagne, qu’il a bien évidemment perdue.

La fin d’une époque

En mars 2020, à la fin de cette désastreuse campagne qui s’est achevée dès le premier tour, alors que la pandémie était déclarée, je me retrouvais donc de nouveau sans emploi, mais cette fois-ci, j’étais également sans logement, contrainte de retourner vivre chez mes parents.

Après ça, j’ai pris mes distances avec la sphère écologiste, malgré le fait que je n’avais pas d’emploi et malgré la précarité dans laquelle je commençais à m’enfoncer, j’ai refusé toutes les offres d’emploi qui se présentaient à moi de leur part et qui pouvaient me rapprocher de près ou de loin de leur univers. Je ne postulais à rien, et j’avais cette impression que l’intégralité de ce réseau professionnel que j’avais construit était toxique et ne m’apporterait plus rien de bon. J’avais aussi l’impression que toutes les missions que j’avais menées jusqu’ici, toute ma carrière était bonne à jeter à la poubelle, que personne ne voudrait de moi ni des mes expériences foireuses dans le monde impitoyable de la politique. À force de faire constamment face au manque de confiance de mes employeurs, à leur mépris et à des comportements toxiques récurrents, j’ai fini par perdre toute confiance en moi et à m’enfoncer dans une forme de fatalité. J’étais prête à tout recommencer, tout reprendre à zéro, je me disais que j’allais reprendre mes études et faire des petits boulots pour les financer pour, un jour peut-être, dans un avenir le plus proche possible, retrouver mon indépendance financière, mais pour reprendre ses études il fallait beaucoup de motivation, et de la motivation à ce moment là je n’en avais plus vraiment. Mais je n’étais pas complètement abattue. Un jour, alors que je réfléchissais à la potentielle validation des acquis de l’expérience que je pourrais faire, j’ai pris tout ce que je savais et j’ai commencé à tout poser sur des notes, qui se sont ensuite transformés en articles que j’ai commencé à publier sur un blog. Et à côté de cela, j’ai recommencé à lire et analyser des statuts, mais cette fois-ci j’allais partager mes analyses en direct sur Twitch. J’ai été très agréablement surprise de rencontrer un petit public avec ces heures de lectures, j’ai commencé à construire une petite communauté autour de cette étrange passion, mais dans mon élan, j’ai rapidement été ralentie par un événement qui a bouleversé mon petit univers.

« Mais non, tu n’es pas bonne à rien… »

En juin 2021, à la surprise générale, grâce à l’aide et au soutien d’un ami Pirate (le seul que ça n’a pas surpris d’ailleurs), je décrochais un emploi de consultante technique et fonctionnel en CDI à temps plein dans une entreprise privée qui n’a toujours aucun lien, ni de près ni de loin, avec le monde politique partisan toxique dont j’ai difficilement réussi à m’extraire. Si le logiciel sur lequel je travaille pourrait rendre d’énormes services à certains de mes anciens employeurs pour un coût cent à mille fois moindre que ce qu’ils déboursent aujourd’hui, et pour un résultat tellement plus satisfaisant, et si j’ai rapidement tenté d’en proposer l’usage à certaines personnes que j’estime énormément et qui m’ont toujours soutenue et tellement apporté dans ma carrière, je ne tiens pas particulièrement aujourd’hui à travailler à nouveau avec la plupart d’entre eux pour les multiples raisons exprimées ci-dessus, et parce que j’ai bien peur qu’ils n’aient pas beaucoup changé depuis ma dernière expérience à leur contact.

En juin 2021 donc, après cette embauche loin de ce que j’avais toujours connu dans le cadre professionnel, j’ai commencé un long travail de reconstruction. J’avais un comportement autodestructeur lié sans doute en partie à ces nombreuses maltraitance professionnelles. Je fumais beaucoup, trop : j’ai arrêté du jour au lendemain. J’étais toujours en conflit avec ma hiérarchie, surtout parce que j’ai souvent été sous la responsabilité d’incompétents notoires, notamment au siège national d’EELV, où personne n’a su me protéger de toutes les violences morales subies quotidiennement. J’ai développé une carapace tellement énorme à force de ne pas être entendue que j’en étais arrivée à ne plus voir quand quelqu’un m’écoutait. J’ai mis du temps, et je mets encore du temps, à reprendre confiance en moi. Toutes ces personnes qui m’ont méprisées pendant toute ma carrière et malgré tout ce que je donnais, m’ont brisée, je m’en suis rendue compte lorsque j’ai commencé à parler ouvertement avec une professionnelle de tout ce que je vivais. En entrant dans ce parti, Les Verts puis Europe Écologie-Les Verts, en travaillant pour cette idéologie, en me consacrant à 100% à ce travail, aux missions qu’on me confiait, je me suis coupée de mes amis, de ma famille, j’avais perdu pied. Aujourd’hui je retrouve peu à peu les gens qui comptent pour moi, j’ai revu complètement mon sens des priorités, et ma vie à déjà drastiquement changé. Ma reconstruction prendra du temps, mais elle a bien commencé et aujourd’hui je vais beaucoup mieux.

La suite…

En juin 2022, le Parti Pirate a participé aux élections législatives. Après 5 années de réflexion et de préparation, nous avons finalement mené une campagne simple mais suffisamment efficace pour nous octroyer ce que nous avions échoué à atteindre en 2017 : Une part, petite mais suffisamment importante pour nous satisfaire, du financement public. Grace à nos efforts, le Parti Pirate est sur le point de doubler ses recettes annuelles, ce qui devrait nous permettre d’envisager beaucoup de choses avec un regard différent, le regard d’un parti politique qui ne vit plus au jour le jour, d’un parti qui existe réellement, et sur lequel on pourra compter dans les années qui viennent. Je suis assez fière de voir ce que nous avons passé tant de temps à construire se concrétiser enfin, et je suis beaucoup plus sereine face à ce qui nous attend dorénavant. L’été se termine, les affaires politiques vont reprendre petit à petit, et petit à petit, nous ferons parler de nous, de nos idées, de notre fonctionnement, la route est encore longue nous le savons, mais nous avons pour nous une motivation renouvelée.

Quant à moi, je me consacre toujours autant à ce que je fais, que ce soit militant, ou professionnel, mais maintenant ces deux aspects de ma vie sont bien séparés. Aujourd’hui, et comme beaucoup d’autres personnes en fait, je travaille sous un autre nom que celui sous lequel mes lecteurs, mes amis, ma famille, les médias et le Ministère de l’Intérieur, suite à mes nombreuses candidatures à des élections, me connaissent. Ainsi, je protège mon employeur des furieux qui ont déjà été jusqu’à les contacter pour leur dire tout le mal qu’ils pensent de moi (oui oui, c’est arrivé), ainsi je me protège aussi de ce monde cruel qu’est le monde politique pour une femme.

Quand on me demande pourquoi il n’y a pas beaucoup de femmes engagées, je ne peux que répondre qu’on ignore à quel point l’engagement politique et partisan, et particulièrement lorsqu’on est une femme, peut être difficile et violent. Il faut avoir un sacré moral pour subir les attaques quotidiennes que je subis dès que j’ose exprimer mon avis, que je subissais quand j’étais salariée d’un parti politique, ou quand j’étais salariée d’une élue ou d’un candidat, alors que j’étais censée être protégée par un employeur en tant que salariée, et donc « personne sensible », et pour subir les attaques que je subis aujourd’hui alors que je suis en première ligne, porte-parole d’un parti français, même s’il reste un petit parti, et vice-présidente d’une organisation politique européenne, même si cette organisation reste raisonnablement petite. Mais ce moral, parce que j’ai eu cette expérience, je l’ai, je l’ai cultivé, et c’est aujourd’hui une force qui me permet de continuer à me dresser contre les injustices, à exprimer mes idées sans far, sans complexe. Les haineux pourront toujours baver, les opposants pourront toujours s’exprimer, cela ne m’empêchera pas de continuer à élever la voix, à parler pour ceux qui ne peuvent pas le faire et qui me font confiance pour le faire à leur place, à dire ce qui doit être dit même si je dois essuyer des attaques paternalistes toute ma vie.

Et pour ceux qui estiment que je n’ai pas le niveau, que je n’ai pas les épaules, et croyez-le ou non c’est quelque chose que j’entends trop souvent, essayez donc d’être une femme engagée en politique, et on en reparlera.