Journal de bord · 27 juin 2021

Pourquoi je ne suis pas pro-nucléaire

Ce que vous allez lire est à prendre pour ce que c’est, c’est à dire ni plus ni moins que le fruit de réflexions inabouties et imparfaites d’une militante politique en matière de choix de société. On peut, et on doit transformer le béton armé dans lequel nous fonçons en paille… Mais pour cela nous allons devoir faire des choix politiques raisonnés et raisonnables.

Avant d’aller plus loin, prenons quelques instants pour faire connaissance.

Tout comme vous, que vous en ayez conscience ou non, je suis une militante politique.

Aujourd’hui, et depuis avril 2017, je suis membre du Parti Pirate.
En mai 2017, j’étais candidate pour les législatives avec le Parti Pirate à Pantin-Aubervilliers.

En 2017, j’ai contribué à la rédaction de nouveaux statuts pour le Parti Pirate.

J’ai été élue Membre du Conseil des Relations Publiques et porte-parole du Parti Pirate français en mars 2018.

En 2019, j’ai pris la tête de la liste Pirate pour les élections européennes.

J’ai ensuite rejoint le bureau du Parti Pirate Européen dont je suis devenue Vice-Présidente en 2020.

Mais je suis aussi, tout comme vous, un peu plus qu’une militante politique.

J’ai un DUT GEA et une Licence Professionnelle de Management des Associations. Depuis octobre 2010 et jusqu’en mars 2020, j’ai travaillé de manière régulière en contact direct avec militants politiques de la gauche et des écologistes.

J’ai débuté ma carrière professionnelle un peu par hasard. Alors que je venais tout juste, début 2010, de rejoindre une organisation de jeunesse qui en était proche, j’ai été embauchée fin 2010 en tant permanente politique en charge des élections au siège national de ce qui était déjà alors le principal parti politique écologiste français.

Au fil des années, j’ai occupé plusieurs fonctions et rencontré de nombreux membres qui y militent encore aujourd’hui, et bien davantage qui n’y militent plus depuis des années. J’ai appris leurs codes, leur langage, leurs idées, leurs arguments, leurs techniques, leurs vices, leurs craintes, leurs biais et leurs faiblesses. Je suis restée salariée pendant 10 ans au contact de membres de cette organisation de différentes manières, dans une entreprise de l’ESS, dans une mairie, sur une campagne électorale, jusqu’à ce que j’arrive à la conclusion que, avant la fin de ma dernière mission à leurs côtés, pour de nombreuses raisons, il était temps de mettre un point final à toute collaboration professionnelle future.
Je viens donc de passer un peu plus d’un an au chômage à lire, étudier, écrire, en évitant, en refusant toute offre d’emploi venant de ce réseau professionnel et militant. J’occupe depuis le 1er juin 2021 un emploi de consultante technique et fonctionnel dans une start-up privée. 

Je ne suis donc pas devenue subitement une spécialiste de la question énergétique, ni du nucléaire.
Je ne suis pas physicienne.
Je ne travaille pas dans le domaine de l’énergie.
Je ne suis pas payée par une entreprise productrice d’énergie, ni exploitante, ni vendeuse.
Je n’ai pas étudié les sciences, j’ai même arrêté d’étudier dans cette filière scolaire en Première L.
Ma famille n’a aucune proximité avec quoi que ce soit dans cette filière, ni parmi les opposants à la filière. Mon père a travaillé quelques mois au centre de retraitement des déchets nucléaires de la Hague entre 1999 et 2001, mais ça s’arrête là. Il me semble d’ailleurs que mes parents sont plutôt anti-nucléaire…

Je suis née en octobre 1987, soit l’année d’après la catastrophe de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Mon enfance a donc été bercée par toutes les histoires liées à cette catastrophe et à ses graves conséquences, une catastrophe gravée dans nos esprits et qui le restera pour de longues années tant les retombées sont encore aujourd’hui difficiles à gérer.

Comme beaucoup d’entre vous, je me nourris de ce qui est à ma portée, à la portée de mon temps de cerveau disponible et de mon niveau de compréhension immédiat. J’ai une vie, des priorités, et je n’ai pas envie de perdre trop de temps à faire des recherches que d’autres que moi auront déjà faites avant moi sur un sujet que je suis loin de maitriser. Aussi, sur la question nucléaire, comme beaucoup parmi vous, je lis ce que je vois passer autour de moi sans aller chercher plus loin, et je me contente de faire confiance à ceux qui savent.

Alors oui, comme beaucoup de monde, j’ai grandit dans la croyance que le nucléaire était dangereux.

D’abord parce que Tchernobyl.
Ensuite parce que c’est ce que tout le monde a toujours dit autour de moi.
Enfin parce que quand un tsunami a arrêté la centrale de Fukushima en 2011, c’était comme si tout ce que tout le monde autour de moi avait toujours prédit s’était passé, comme pour prouver que oui, c’est dangereux, et qu’il faut abandonner cette énergie le plus vite possible.

Le 11 mars 2011, j’étais stagiaire et membre d’Europe Écologie-Les Verts. J’étais entourée d’anti-nucléaires que l’accident de Fukushima avait rendus euphoriques. Loin d’être critique de cette euphorie, je la partageais joyeusement, communiant avec mes camarades politiques d’alors. Avec cette catastrophe, les idées de cette organisation politique allaient être bien plus audibles, bien plus entendues, et ça tombait bien, quelques jours plus tard il y avait une élection : Les cantonales des 20 et 27 mars 2011. Nous le savions. Nous le disions entre nous, ce drame nous aiderait. Nous devions l’utiliser à notre avantage, à l’avantage de nos idées, afin de prendre le pouvoir.

Le pouvoir

Le pouvoir de quoi ?

Les élus départementaux (qui étaient encore à cette époque les élus cantonaux) n’avaient et n’ont toujours absolument aucun pouvoir en matière de contrôle sur l’énergie consommée et, surtout, produite, mais cette catastrophe allait permettre de mettre un mouchoir sur cette information pour pouvoir alimenter une campagne mensongère basée sur la capacité prétendue des futurs élus à limiter l’usage d’une énergie « dangereuse pour l’environnement et pour l’homme ». Qu’on soit bien d’accord une bonne fois pour toutes sur la question : Voter EELV, ou voter pour l’un des partis Verts mondiaux ayant signé la charte des Verts Mondiaux telle qu’écrite aujourd’hui, c’est voter contre le nucléaire, pour la fin de son utilisation et de son exploitation.

Comme chacun d’entre vous, je consomme de l’électricité pour vivre décemment.

L’électricité est aujourd’hui un bien devenu plus que nécessaire, c’est un bien vital pour le bien commun.
Oui, nous pouvons vivre sans électricité, mais nous ne pouvons pas vivre décemment, ensemble sur la même planète sans électricité. Disons-le enfin, l’électricité est devenu un bien commun.
Oui, nous pouvons réduire notre consommation, nous pouvons nous en servir pour le strict minimum, nous pouvons même nous en passer pour un bon nombre des usages que nous en avons aujourd’hui. C’est certain. Mais nous ne pouvons pas nous en passer totalement. Un black out aurait de très graves conséquences sur notre planète, pas seulement sur l’humanité.
Quelques soient les responsables de la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, nous devons en payer le prix, et nous ne pouvons pas faire marche arrière. Ce n’est pas possible ni même souhaitable.

Nous avons atteint, en grande partie grâce à l’électricité, un niveau technologique particulièrement évolué en un temps record, à une vitesse tellement impressionnante que nous, pauvres humains que nous sommes, n’avons pas réussi à suivre. Les gouvernants qui décident aujourd’hui pour notre bien, et à notre place, de la façon dont nous devons utiliser les technologies à notre disposition ne savent pas de quoi ils parlent, et cela vaut pour tous les sujets, toutes les technologies, toutes les énergies.

Pour un seul sachant, combien y’a-t-il de profanes ?

Combien sont comme moi, comme nous, endoctrinés dans des croyances plus ou moins rationnelles sur l’un ou l’autre des sujets ?
Nous avons beau avoir un esprit critique de plus en plus puissant, avec le nombre impressionnant d’informations qui parviennent à notre portée, il arrive que nous nous laissions distraire, qu’un propos cynique nous semble vrai, qu’une information soit mal comprise, mal traitée, mal écrite, qu’une méprise soit le point de départ d’une dispute, encore un moyen de perdre son temps sur une futilité, et de laisser une fois encore l’affect prendre le dessus. Ce qui était politique devient alors personnel, et alors tout change.

Les avis deviennent irrationnels, les discussions s’enflamment, on ne sait plus qui croire, qui écouter, les insultes fusent… C’est ce dont je suis témoin tous les jours sur de nombreux sujets, l’un d’entre eux est le nucléaire. D’un côté j’ai mes anciens camarades de lutte écologistes qui continuent de défendre leur position anti-nucléaire, de l’autre j’ai mes nouveaux compagnons de lutte, des Pirates, qui me recommandent de prendre du recul et d’appliquer la méthode scientifique.

C’est en 2019 que mes grandes certitudes sur la question énergétique se sont véritablement mises à vaciller.

Mais ça n’est pas arrivé d’un seul coup, il y a eu plusieurs étapes. Il y a d’abord eu de nombreux échanges avec des Pirates scientifiques inquiets du réchauffement climatique dès mon arrivée dans ce parti. Des membres revendiqués comme environnementalistes m’opposaient sur le sujet des arguments que je n’avais jamais pris le temps d’écouter jusqu’alors.

Jusqu’à ces échanges avec des personnes plutôt pro-nucléaires, j’avais milité, travaillé surtout, au sein d’une bulle militante spécifique, je n’étais jamais vraiment sortie de mon petit confort politique et sur la question nucléaire j’étais tellement persuadée que mon employeur et parti de cœur avait raison que rien ni personne ne pouvait ne serait-ce qu’en discuter avec moi.

Oui, j’étais radicale.
J’étais surtout ridicule.
J’ai changé.

En 2019 donc, j’ai compris que nous ne pouvions plus nous murer dans des dogmes, quels qu’ils soient. Les changements climatiques sont une réalité, le point de non-retour est dépassé, nous subirons de toute façon les dommages inévitables de l’exploitation disproportionnée de nos ressources. Nous pouvons limiter les dégâts, mais nous ne pourrons pas sauver tout le monde.
Lorsque nous avons organisé un débat entre, Elli Teissier, responsable de la commission énergie d’EELV, et François-Marie Bréon, Président de l’AFIS, j’avais déjà changé d’avis, mais je n’arrivais pas encore à comprendre ce qu’il s’était passé dans mon esprit. À force d’aller un peu plus loin que l’information mise à ma disposition par les gens en qui j’avais confiance, en entretenant une démarche scientifique dans un parti politique qui ose ouvrir le débat et qui m’a permis progressivement de sortir du dogme, j’ai commencé à prendre du recul sur la position que j’avais construite toute ma vie. J’ai brisé un dogme.
Mais je n’en ai pas suivi un autre.
Il y a urgence, je ne peux pas prendre le loisir de m’enfermer dans une autre bulle, je dois me raisonner, prendre une décision rationnelle, orienter mes choix dans cette direction pour le bien commun, puisque c’est bien cela que je recherche dans mon engagement militant. Je ne cherche pas à convaincre pour le plaisir de convaincre, je ne cherche pas à convaincre pour le plaisir d’être entendue, je ne cherche à convaincre personne, je dois déjà commencer par me convaincre moi-même, je crois que c’est la base.

Une fois que je serai convaincue, si je le suis un jour, je n’irai pas prêcher la bonne parole, je ne suis ni prêtre, ni vendeuse de poisson. Non, dès l’instant où j’aurai forgé mon opinion, je la défendrai par mes propres moyens, ou avec ceux qui ont été mis à ma disposition, j’indiquerai les ressources qui m’y auront amenée et j’inviterai les gens autour de moi, tout comme on m’y a invitée, à faire leurs recherches avec cette même méthode scientifique. Après tout, tout comme moi, vous êtes libres de vous faire votre propre opinion en toute connaissance de cause.
Mais lorsque vous étudierez la question de la transition énergétique, n’oubliez pas de bien considérer que des milliers de populations animales, végétales, ont déjà disparues, que d’autres ont souffert de manière irrémédiable, que notre destin est tracé, que nos routes foncent droit dans un mur en béton armé et sans frein. Oui, nous devons limiter les dégâts. On peut, et on doit transformer le béton armé dans lequel nous fonçons en paille, nous devons transformer notre véhicule en tank blindé ou bien au moins lui installer des freins… Mais pour cela nous allons devoir faire des choix politiques raisonnés et raisonnables. Nous devons sortir de notre petit confort, de nos dogmes divers, nous mettre autour d’une table et parler sans détour de nos ambitions pour l’humanité.

Finalement, moi, je ne suis qu’une jeune adulte fan de pop culture, et c’est très sûrement la série Tchernobyl, que j’ai regardée en même temps que nous avions ce débat au Parti Pirate, qui m’a fait prendre conscience du risque lié à la gestion de l’énergie nucléaire, mais surtout des nombreuses ingérences politiques qui en sont à l’origine. Ce qui m’a sauté aux yeux en regardant cette série, et peut-être était-ce le but de la réalisation, c’est l’importance que la fierté politique a pu avoir dans le processus de prise de décision.

En effet, la plupart des causes réelles de l’accident de Tchernobyl ne sont pas dues à une mauvaise maitrise de la technologie. En 1986, la centrale nucléaire de Tchernobyl n’était pas ancienne, non, elle avait été construite en 1977, soit moins de 10 ans avant. En 1977, nous avions déjà 10 réacteurs en route en France. En 1986, nous en avions 45 en tout rien que dans notre pays. En 1986, l’humanité maitrisait plutôt bien l’énergie nucléaire et l’avait déjà déployée dans de nombreux endroits, sous de nombreuses formes, toutes plus évoluées les unes que les autres, toutes plus sures les unes que les autres, depuis la première centrale électrique construite et mise en activité le 20 décembre 1951 dans l’Idaho.

L’énergie nucléaire est indéniablement et statistiquement une énergie qui provoque peu d’accidents graves ou dangereux au regard de la quantité d’électricité astronomiquement plus élevée fournie pour chacune des centrales comparativement à tous les risques liés à tous les autres types d’énergie.

Alors, quelle est notre priorité ?
Nous devons diminuer notre empreinte carbone pour éviter de cramer cet or inestimable, insaisissable dont le destin incertain est aujourd’hui entre nos seules mains : La vie. Nous devons au moins essayer de mettre tous les moyens en œuvre pour que nos enfants puissent eux aussi profiter un peu de cette planète que le hasard nous a offert. Nous devons trouver le meilleur moyen de survivre ensemble, en conservant autant que possible une qualité de vie décente.

Nous devons faire face à une urgence.

Nous devons donc choisir parmi les options qui se trouvent à notre portée laquelle est la plus efficace pour faire face à l’urgence qui se présente à nous. Enfin, nous devons mettre de notre côté notre fierté politique et militante. Nous pouvons rêver pour que nos progrès technologiques nous apportent des solutions encore plus efficaces que celles actuellement à notre disposition. Nous pouvons aussi nous contenter d’espérer que nos gouvernements choisissent à notre place les meilleures options en fonction des dogmes défendus par ceux qui les composent.

Tout bien réfléchi, ce n’est plus le risque d’accident nucléaire qui me fait le plus peur aujourd’hui. Oui, j’en ai peur, j’en ai peur comme tout le monde, je l’espère, parce que tout le monde devrait en avoir peur. Ce risque n’est pas anodin, c’est d’ailleurs pour ça que nous sommes particulièrement vigilants en France quant à l’exploitation de nos centrales. C’est pour cela que nous avons une Agence de Sûreté Nucléaire indépendante et désintéressée.

Nous avons de nombreux garde-fous, et nous n’en aurons jamais assez. Pour autant, il est inutile de nous mettre en danger pour le rappeler. Nous le savons. Nous en avons conscience. L’énergie nucléaire est dangereuse. Elle est aussi très puissante. Elle est aussi très rentable. Elle est aussi beaucoup moins polluante que les autres. Elle est aussi, finalement, au regard de toutes ces raisons et de bien d’autres, beaucoup moins dangereuse que les autres.

Je suis quelqu’un de flippé.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai peur des risques liés à toutes les infrastructures potentiellement dangereuses : les routes, les barrages, les avions… J’ai beaucoup moins peur de mon propre domicile, pourtant c’est potentiellement le lieu où j’ai le plus de chance de mourir. Ce n’est pas rationnel. J’en ai conscience. En 2019, j’ai commencé à prendre conscience, en suivant le consensus scientifique, que compte-tenu des bénéfices que l’énergie nucléaire nous apporte aujourd’hui, étant donné l’urgence climatique, nous ne pouvons ni ne devons nous en passer dans l’immédiat.

Quid des déchets ? Non ils ne se recyclent pas. De tous les types d’énergie qu’il existe sur notre planète, l’énergie nucléaire est celle qui produit le moins de déchets. Des déchets dangereux ? Oui. Mais contrairement aux déchets produits par les autres énergies, ceux de l’uranium se désintègrent. Il prend son temps. Oui. Mais il finit toujours par disparaitre. Ce n’est pas le cas d’une éolienne, qu’on ne recycle pas plus qu’un panneau solaire. Nos majestueuses éoliennes finissent bien trop souvent les pales au fond d’un trou dans un désert au milieu des États-Unis. Alors oui, elles finiront par visuellement disparaitre, mais elles seront physiquement toujours au même endroit, en des millions de particules polluantes dans le sol, à des endroits où elles n’auraient jamais dû se trouver.

L’exploitation de l’uranium se fait dans des pays surexploité par les dominants occidentaux. Oui. C’est aussi le cas pour tous les matériaux nécessaires pour la conception de tout ce qui nous a permis de connaitre les conditions de travail de ces populations surexploitées.

Que devons-nous faire ?

Que pouvons-nous faire ?

Est-ce qu’on peut se mettre une bonne fois pour toute d’accord sur le fait que notre monde est carrément bancal, dysfonctionnel, que tout est prétexte à ce qu’une domination existe dans un sens ou dans l’autre ? Dans notre système, dès qu’un gouvernement se casse la gueule, un autre, souvent identique, le remplace aussitôt. Et parce qu’ils n’arrivent pas à s’adapter aux nouvelles technologies qui se sont déployées beaucoup trop vite, nos gouvernants n’arrivent plus à suivre… Ils sont même complètement largués. Finalement, nous les voyons aujourd’hui se débattre contre les multiples opportunités permises par ces nombreuses technologies : la démocratie, la transparence, l’instantanéité.

Alors que le pouvoir change de mains, les mêmes dogmes s’entretiennent dans un rejet mutuel : qui pour les énergies fossiles, qui pour les énergies renouvelables, qui pour le nucléaire. Les débats sont violents, inaudibles, et les doutes continuent de s’immiscer. Parce qu’on refuse de remettre en question ses convictions, par fierté politique, par enfermement dogmatique, des militants continuent de propager des mensonges, pourvu que les gens pensent qu’une telle énergie pollue, même si elle ne pollue pas, ou pas de cette manière là, ou pas plus que ce qu’on propose à la place, si ça peut entretenir leur paranoïa et orienter les choix de nos gouvernants alors autant entretenir leur croyance.

Le bien commun ?
Ils feront sans : « On a bien fait sans pendant des millions d’années, on survivra. Mais nous ne sommes pas pour le retour à la bougie ! #JeSuisAmish »

Ok.

Le paradoxe de Jevons ?
« On s’en cogne. »

… Le consensus scientifique ?
« On s’en cogne. »

Et… Le progrès technologique ?
« Nous trouverons une énergie plus respectueuse de l’environnement en fermant nos centrales nucléaires et en finançant une transition énergétique dans les 30 ans. »

Mais la recherche, le progrès, tout cela nécessite de l’électricité, cela implique donc de faire des choix quant à qui en bénéficiera.
On revient sur le paradoxe de Jevons. Les pro-nucléaires veulent financer la recherche pour développer de nouvelles manières d’exploiter l’uranium, en produisant encore plus d’énergie avec encore moins d’uranium, en produisant peut-être moins de déchets. Les anti-nucléaires veulent orienter la recherche dans la production d’énergies renouvelables, l’exploitation des ressources à notre disposition, à la recherche d’une nouvelle technologie plus vertueuse, toujours plus respectueuse de l’environnement.

Dans l’un comme dans l’autre de ces deux camps, tout ce petit monde court après un mirage.

Le problème, c’est qu’il y a urgence.

Et l’urgence ne peut pas souffrir d’attendre que la recherche avance. L’urgence doit être affrontée avec les moyens mis à notre disposition aujourd’hui.

Quels sont ces moyens ?

Réduire notre consommation d’énergie, de toutes les sortes et de toutes les manières possibles. Rationaliser notre usage de l’espace et du temps. Diminuer les trajets personnels, les transports de personne qui ne sont pas nécessaires. Concrètement, autant que possible, nous devons remplacer ces transports par l’usage de réseaux (eau, électricité, gaz, internet). Nous pourrions également rassembler les populations dans des pôles urbains à la densité et à la taille limitées, calculées en fonction des ressources fournies localement et reliées à d’autres pôles urbains par des réseaux multiples, intelligents et fonctionnels.

Ainsi nous pourrions progressivement dépeupler les zones les moins exploitables pour les rendre à la nature. Nous pouvons automatiser certaines récoltes, sans défigurer nos espaces naturels et en protégeant la biodiversité. Nous devons rationaliser les transports des ressources agricoles et réfléchir à notre consommation de nourriture. Nous devons aussi remettre en question notre consommation de biens et de biens communs, collectivement, par la loi, par les usages, dans le respect des croyances et des choix de chaque individu mais en prenant nos responsabilité dans l’urgence que nous affrontons aujourd’hui. 

Cette urgence climatique, sociale, sociétale…

Finalement, ce n’est pas seulement du nucléaire dont il est question, ce n’est plus seulement cela, depuis longtemps, et nous le savons, nous en avons pleinement conscience.

Non. Cela va bien au-delà.

C’est tout notre système que nous devons remettre en question. Il n’y a aucune solution miracle, même si nous la cherchons. Pour l’heure, nous ne pouvons stocker l’énergie, nous ne pouvons nous en passer, nous ne pouvons nous fiers aux éléments naturels et renouvelables exploitables à notre disposition.

Nous avons besoin d’une énergie qui nous permette de subvenir à nos besoins avec le moins d’intermittence possible. Nous devons diminuer notre production de CO2. Nous en venons à devoir réexpliquer à des écologistes que le gaz ou le bois ne sont pas des alternatives à la hauteur. Nous en venons à devoir débattre avec des écologistes qui sont capables d’affirmer sans ciller que le bois est moins producteur de CO2. Nous en venons à devoir subir la mauvais foi des écologistes qui vont jusqu’à nier la transition environnementale désastreuse de l’Allemagne pour mieux nous vendre leurs salades pleines de couleuvres.

J’en suis à me fâcher avec des gens que je prenais pour des amis parce qu’ils refusent d’écouter aujourd’hui un argument que je refusais moi-même d’entendre il y a encore quelques années…

Vous qui lisez ces lignes, ne vous méprenez pas, j’énonce ici une première vérité : je ne suis pas devenue pro-nucléaire.

Je pense avoir longuement mais clairement exprimé mon avis, et assez décrit sa construction, me qualifier de pro-nucléaire serait peut-être prématuré, mais surtout parfaitement inexact. Si ce je n’ai pas été assez claire alors c’est que pour moi non plus ce n’est pas encore très clair mais, finalement, je me demande pour qui est-ce que ça l’est vraiment ?

Ceci étant dit, aujourd’hui je peux exprimer clairement une autre vérité : après une vie à m’en être revendiquée, je ne suis plus anti-nucléaire.

Ce que vous venez de lire est à prendre pour ce que c’est, c’est à dire ni plus ni moins que le fruit de réflexions inabouties et imparfaites d’une militante politique en matière de choix de société.

À vous de voir ce que vous en ferez, pour ma part, je pense que vous l’aurez compris, il est tout à fait possible que je change d’avis selon l’évolution du consensus scientifique, mais je vais avoir du mal à changer d’avis sur les partis tradis, leurs croyances, leurs dogmes, leurs vices, et leurs incapacité à nous gouverner, et ce quelle qu’en soit la couleur.

NB : Je reste fermement opposée à l’armement nucléaire, ainsi qu’à toute forme d’armement.

Quelques sources